Un peu de comm' du côté du conseil départemental de l'Eure
ou comment le département a été sauvé du naufrage
Vendredi, j’ai trouvé dans ma boîte aux lettres un joli fascicule de format A4 de 28 pages, édité par le Conseil départemental de l’Eure, intitulé « Bilan de notre action, 2015-2018, 3 ans après les élections départementales ». Pour les personnes qui ne vivent pas dans l'Eure, un rappel, jusqu'en 2015, le conseil Départemental de l'Eure était présidé par Jean-Louis Destans (PS), remplacé par Sébastien Lecornu (UMP puis Les Républicains et aujourd'hui La République en marche) qui est actuellement Ministre chargé des Collectivités territoriales. C'est Pascal Lehongre qui a succédé à Sébastien Lecornu en 2017 pour éviter le cumul des mandats.
La fin du monde pour bientôt ?
Ceux qui ont besoin d'aide et ceux qui ont besoin d'être contrôlés
Un lapereau de trois semaines
Je me suis plongée dans la lecture de cet auto-bilan et je dois dire que que cela a été, d’une façon, instructif. Avant d’aller plus loin, ma réaction ne vise pas à faire un procès ou à taper sur la majorité du Conseil départemental ou encore à juger des actions entreprises. Ce serait ridicule, prétentieux* et stérile. Je porte mon regard simplement sur la communication qui est faite et qui, je l’avoue, me hérisse un peu. Cet exercice, j’aime le faire avec tous les documents de ce type qui passent dans mes mains, bulletin municipal, revue de la région… quelle que soit la sensibilité de la majorité politique qui en à l’origine. C’est un jeu toujours riche d’enseignements à faire, surtout avec les partis politiques qui ont notre affection. La plupart du temps, j’ai l’impression d’être prise pour un lapereau de 3 semaines. Plutôt que de m’en affliger, je préfère en rire…
La fin du monde pour bientôt ?
Pour commencer, je me suis penchée sur les grandes thématiques balayées dans ce document. De quoi me donner froid dans le dos. J’ai tout d’un coup pris conscience que moi, petite Euroise, j’étais passée à côté d’une catastrophe d’envergure sans le savoir. Jugez plutôt : « « La crise budgétaire évitée », « RSA : un coup d’arrêt à la fraude et aux abus », « sécurité, l’Eure prend des mesures exceptionnelles », « médecins, une situation d’urgence »**… Si on y ajoute le terme « priorité absolue » utilisé pour les collégiens (« la réussite des collégiens est notre priorité absolue »)… Je me suis trouvée tout de suite dans l’ambiance d’une fin du monde évitée de justesse.
Des audits à foison
On commence avec la partie « finances » qui évoque « un audit financier réalisé (en 2015) par un cabinet indépendant qui donne l'alerte : il faut redresser les comptes du département qui risque de se retrouver dans une impasse financière dès 2017" L'audit a été réalisé par le cabinet indépendant Michel Klopfer.
J’avais envie d’en savoir un peu plus, pour me faire une idée par même-moi, les chiffres, c’est toujours délicat… J’avais lamentablement échoué en 2015 lors de l’élection de Sébastien Lecornu à la tête du Conseil départemental, je ne fais pas mieux maintenant.
J’ai tout de même trouvé un autre document intéressant par ici. Un audit réalisé, en 2016/2017, par la chambre régionale des Comptes sur la période 2010-2015 qui relève effectivement des points à surveiller et précise (observation délibérées le 6 avril 2017) « Les dépenses sociales et, dans une moindre mesure, la masse salariale, pèsent de façon toujours plus importante sur les charges de gestion. L’augmentation des charges n’est pas compensée par une augmentation des ressources équivalente, ce qui entraîne une baisse de 36 % de la capacité d’autofinancement sur la période contrôlée par la chambre.
L’encours de la dette a augmenté depuis 2013 mais reste cependant moins important que celui de la moyenne des départements de même strate. Le risque global lié à la dette est très faible, celle-ci ne comportant aucun produit structuré. »
« Afin de faire face à la dégradation de sa situation financière, le conseil départemental a mis en place, en 2015, plusieurs mesures destinées à réduire ses dépenses, retracées notamment dans un plan de dix pistes d'économie. Il est trop tôt pour mesurer l’impact financier sur le budget du département de ces décisions qui n’ont fait l’objet d’aucune estimation chiffrée, a priori, par la collectivité. »
Une fois un peu rassurée sur la situation du département même si l'équipe actuelle n'a pas semble-t-il budgétisé ses économies, je relativise fortement, du coup, le petite diagramme présentant le recul de la dette. Oui, l’équipe en place a travaillé a diminuer la dette mais la situation initiale n’était peut-être pas digne de figurer en rouge (si on avait un ration dette/habitant pour le département et une référence moyenne cela aurait aidé) ! C’est une astuce un peu grossière pour forcer le trait, je trouve… enfin, je dis ça, je dis rien…
Bonnes notes, mauvais élève ?
C’est un peu comme la note « AA3 » attribuée par l’agence internationale Moody’s et fièrement mise en avant dans ce bilan… A-t-elle une réelle valeur ? Oui, du coup, je me pose quelques questions quand je lis cela dans le document de synthèse de Moody’s qui présente des critères de notation plutôt stables sur plusieurs années ainsi que ce commentaire :
« Dans un environnement budgétaire toujours très contraint pour les départements français, l’Eure a enregistré des performances financières solides au cours des cinq dernières années malgré la double contrainte créée par l’augmentation tendancielle des dépenses de fonctionnement et la baisse des concours financiers de l’Etat. »
Petit détail, jusqu’en 2014, le département était très bien noté par l’agence de notation Standard & Poor’s… Mais peut-être qu’une agence n’en vaut pas une autre.
En gros, si on résume, la situation du département était saine mais nécessitait de vrais ajustements que la nouvelle majorité a réalisé. Mais personne ne saura jamais si des ajustements de ce type auraient été faits dans le cas d'une reconduite de Jean-Louis Destans et son équipe… J'imagine que l'équipe en place estime qu'elle ne serait jamais arrivée à une telle situation si elle avait été aux commandes durant le mandat précédant, elle avancera que c'est elle qui a demandé un audit. Des arguments qui s'entendent mais dont la portée reste limitée.
Ceux qui ont besoin d'aide et ceux qui ont besoin d'être contrôlés
Passons au chapitre "Social, tout ceux qui en vraiment ont besoin sont aidés ».
Il est expliqué que des contrôles renforcés et un travail sur le terrain sont effectués pour s’assurer que les aides (seniors, handicap, RSA, enfance…) sont bien attribuées à des personnes qui remplissent les critères. Ben oui, il y a « des sommes colossales qui sont en jeu » (roulement de tambour). Je ne vois pas ce que je peux redire à cela. Mais quand on creuse un peu la lecture, on a un peu l’impression que selon que l’on est vieux ou pauvre, le traitement ne sera pas le même…
Les dépenses pour les seniors ont augmenté de 15 % concernant l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Les services du conseil départemental ont réalisé un travail sur le terrain pour repérer les personnes ayant droit à cette aide et n’en faisant pas la demande. J’ai envie de dire génial...
...bien que je ne sache pas la part de l'augmentation due mécaniquement au vieillissement de la population (ce qui entraîne une augmentation des demandes) et la part due au travail sur le terrain pour informer les personnes qui ignorent qu'elles peuvent demander cette aide…
On lit même un peu plus loin, toujours dans la partie « maintien au domicile des seniors » : « notre responsabilité en tant que « pilote » du social et de la solidarité, est en effet de s’assurer que les allocataires (APA, RSA) qui touchent les aides y ont bien droit mais aussi que ceux qui sont en situation d’en bénéficier en soient effectivement informés ». J’applaudis des deux mains et des deux pieds (je fais du yoga, je peux me permettre ce genre d'acrobaties)…
Sauf quand je constate que la partie contrôle des aides exposée dans ce document ne concerne que le RSA avec un « promesse tenue ; coup d’arrêt à la fraude et aux abus ». A la clé, un millions d’euros économisés… et pas l’ombre d’un chiffre pour nous informer sur le travail de terrain fait par le département pour informer les bénéficiaires potentiels du RSA qui ignorent leur droit. Pourtant, il semblerait que le taux de non-recours se situe probablement autour de 14 % (source ici).
On agite fait de comprendre qu'on ne contrôle pas les petits vieux qui sont forcement honnêtes et qu' on se méfie des bénéficiaires du RSA qui sont déjà trop nombreux, le budget étant « en hausse contante et importante ces dernières années ». Par contre, la hausse du budget APA ne semble pas un problème. Ah, ces bénéficiaires du RSA, « tous des fainéants et des voleurs ! ».
En réalité, je ne dis pas que le Conseil départemental ne contrôle que les bénéficiaires du RSA et ne se préoccupe que de d'informer les seniors qui ignorent qu’ils ont droit à l’APA. Mais c’est ce que laisse à penser cette plaquette… Maintenant, le budget RSA, c'est 77,1 millions d'euros (quand même !), l'APA 26 millions d'euros. Automatiquement, avec des effectifs limités pour effectuer les contrôles, même dans l'hypothèse d'un taux de fraude égale pour les deux aides, il y a plus d'argent à récupérer en ciblant les bénéficiaires du RSA. C'est un raisonnement purement "mathématique" qui peut s'entendre. Dans la réalité, comment savoir ? Ce document ne donne pas d'information sur les taux de contrôle, de fraude et de non-recours...
SOS Médecins
Je termine sur le plan d’actions pour attirer d’avantage de médecins « une situation d’urgence ». Nous avons droit à une longue liste d’actions mises en place sans aucun critère chiffré sur leur portée. la seule « promesse tenue » c’est l’ouverture d’un accueil unique pour les jeunes médecins (j’en parle par ici). C’est bien mais je ne sais pas si c’est le plus efficace. En même temps, on nous rappelle, à juste titre, que cette problématique ne concerne pas directement le Conseil départemental. Pourquoi y consacrer une page du coup ?
Je peux encore continuer longtemps*** mais le jeu perd de son intérêt… A vous de lire avec un oeil critique et surtout, beaucoup d’humour, ce document symptomatique d’une société qui confond parfois communication et publicité….
Remarque : Je crois qu'un véritable travail est réalisé depuis 2015 mais il n'y a pas besoin de taper, avec exagération, sur les précédents élus***, de faire peur... Il suffirait de mettre en valeur les actions entreprises de façon rigoureuse... Ah... vous trouvez que je suis naïve ? Naaann !!!!
* on verra quand j’aurai 10 000 abonnés ! roohhhh, je blague !
** pour le coup, c’est pas faux !
*** je passe volontairement sur les affirmations étayées par rien (exemple : "jusqu'en 2015, les budgets de fonctionnement de toutes les directions du Département étaient globalement reconduits d'une année sur l'autre sans jamais que le bien-fondé de ces dépenses ne soir réinterrogé")... il ne suffit pas de l'écrire pour que ce soit vrai. Dans la réalité, c'est peut-être exact mais sans un minimum d'argument, cela ne devrait convaincre personne.
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